09/17/2020 Admin

Castor sans Pollux

Ce matin-là, le ciel est dégagé avec quelques nuages sur les sommets. Il est temps de prendre le train, de traverser Zermatt et de trouver un restaurant ouvert pour le café. Rien de mieux qu’un hôtel quatre étoiles.
Un dernier regard sur le caillou, une dernière cigarette pour « Ginette », et il est l’heure de prendre l’installation direction le Klein Matterhorn. La montée est assez longue, j’en profite pour mettre un peu d’ordre dans mon sac et me mettre en condition pour arpenter ces belles montagnes. Nous voilà à Trockener Steg, on découvre avec engouement la nouvelle installation, les cabines arrivent comme des carrosses à la sortie d’un bal. Une fois assis à l’intérieur, nos regards se croisent avec un sourire au coin des lèvres. Et oui ! Les sièges sont chauffants. La vue durant la montée est incroyable, on se demande comment l’homme a réussi à mettre en place ces câbles par-dessus le vide.

Enfin arrivés au sommet ! Ici la chaleur n’est pas au rendez-vous, le brouillard commence à s’installer et le soleil joue à cache-cache avec les nuages. On longe une partie du téléski du Glacier Paradis, pour rejoindre le début de notre itinéraire. Et voilà c’est parti, nos crampons sont attachés, la corde enjouée, et les piolets en main. La vue n’est pas très claire, je décide de modifier notre itinéraire. Au lieu de partir en direction de Castor, ce sera le Breithorn. Flo, me fait confiance, et me suit dans mes traces. On dépasse une dernière cordée, et on commence à arpenter la montée. Malgré le froid, la température monte assez vite. Pas après pas, nous arrivons au sommet. La vue est quelque peu, comment dire, bouchée. Je vois la déception dans les yeux de ma co-équipière. Malheureusement ce n’est pas aujourd’hui qu’elle va pouvoir faire saturer les serveurs d’Instagram… On décide de patienter un peu, pour voir comment évolue la météo. Quelques instants plus tard, il faut croire que la chance est avec nous, le ciel se dégage et laisse passer quelques rayons de soleil, on arrive même à apercevoir le Cervin. Et c’est parti pour quelques photos. C’est tout bon, elle a retrouvé le sourire.

Pour la suite, on décide de suivre l’arête direction le Gendarm. Le brouillard s’est légèrement dissipé et la vue sur la vallée depuis l’arête est juste magnifique.
Nous voilà arrivés devant quelques rochers à escalader. Je suis assez sceptique concernant les compétences de Flo. Je me tourne vers elle, et je lui demande ce qu’elle en pense… Elle me répond avec le smile : « Moi je fais tout ! On y va ! » Elle est juste MAGIQUE !
Un guide arrive avec un client par cet itinéraire. Après quelques mots échangés avec lui, je prends la décision de rebrousser chemin. La météo devient vraiment mauvaise, ne prenons pas de risque. Avant la descente, une petite pause s’impose. Flo sort son gâteau à la courgette, je suis vraiment chanceux. Pour rien au monde je changerai de co-équipière !

La météo se gâte, il est temps de rejoindre le refuge « Guide d’Ayas ». La descente est longue, et se passe dans le brouillard. Les quelques 96 kilomètres du week-end précédent se font encore ressentir dans les cuisses.
On distingue juste en dessous de nous le refuge. Mais le chemin est encore long, nous devons contourner le champ de crevasses. En cette saison, elles sont plutôt « balaises ».
Et voilà que « Ginette » me dit qu’elle a une envie pressante, mais qu’elle n’a pas envie d’enlever tout le « bordel » ! Cependant, il reste encore environ 1 heure avant le refuge. Elle demande si elle peut passer devant, ce que j’accepte sans hésiter. Notre vitesse de croisière est quadruplée, je suis quasiment en sensation de vol en bout de corde. L’envie doit vraiment être pressante.

Après une descente interminable, nous voilà enfin arrivés au refuge. Petit passage aux toilettes et le smile est de retour. J’essaie de baragouiner quelques mots en italien avec l’aide cabaniste, mais il me répond en anglais, et me dit qu’il est danois, MAGIQUE !
Alors on parlera anglais. On a de la chance, nous sommes seuls en chambre. Le temps de sortir les affaires du sac pour les faire sécher, et c’est déjà l’heure de l’apéro.
On prend ce qu’on appelle dans le val d’Aoste un casse-croûte, une énorme assiette valaisanne. Le jambon et le fromage sont incroyables !
Après quelques parties de cartes, vient l’heure du souper : repas copieux à l’italienne, un délice ! On est à table avec une autre équipe, aussi des Valaisans. Deux clients avec un guide, l’un deux fête ses soixante ans, et en profite pour faire ses premiers 4000.
Puis quelques mots échangés avec le cabaniste autour d’un Genépi, et il est déjà l’heure d’aller au lit. Super service, super équipe, super moment. Mise à part qu’ils avaient tous l’air d’être des ex-prisonniers, réfugiés dans une cabane de montagne. Je n’ose même pas parler du masque anti COVID du cabaniste, qui partait en lambeaux. A mon avis il ne l’avait pas changé depuis mars.

Il est 05h30, la porte s’ouvre d’un éclat, et la lumière s’allume. Je crois qu’il est l’heure de se lever. Ça faisait quelques temps déjà que les autres équipes faisaient du remue-ménage. Temps de refaire les sacs, et nous voilà les derniers au petit-déjeuner.
On prend notre temps, toutes les équipes sont déjà en train de partir. Une fois dehors, le ciel est clair et étoilé, voici une belle fenêtre pour l’ascension de Castor.

Durant la montée, on a le droit à de belles couleurs, le jour se lève. On rattrape les autres cordées, puis on bifurque en direction du pied de Castor. Les Valaisans et leur guide ont déjà entamé la montée. Flo me fait remarquer qu’ils ont l’air d’avoir quelques difficultés pour avancer. Effectivement, le sol a l’air bien gelé.
Petite pause et c’est parti. La pente devient de plus en plus raide, Flo n’a pas l’air d’être rassurée. Plus on monte, plus on a l’impression d’être couchés au vertical. On traverse quelques zones gelées, il faut planter le piolet. Flo se surpasse, la pente est sacrément raide en dessous de nous. Elle n’est vraiment pas rassurée, on y va un pied après l’autre.

Puis on rattrape les Valaisans qui sont à l’arrêt. Leur guide taille des marches pied dans la glace, afin d’escalader la dernière partie avant l’arête. Une fois passés, c’est notre tour. On y est presque, mais Flo se pose des questions quant à la descente. Alors je la rassure, « on termine notre ascension, et on verra pour la descente en temps voulu ».
Nous voilà sur l’arête, il y a pas mal de vide de chaque côté. C’est de pire en pire pour Flo. Elle avance maintenant à quatre pattes, lentement mais sûrement.

09h07, nous sommes au sommet, la vue est magnifique. Flo me demande de faire saturer Instagram pour elle. Elle a l’air d’être heureuse. Profitons-en, car après il va falloir redescendre.
Et c’est reparti pour une arête à quatre pattes. Mais après quelques mètres, elle prend confiance et se redresse. Voilà une vraie alpiniste !
Pour poursuivre la descente, un rappel s’impose. Alors on rassure, on assure et on descend. Tout s’est bien passé, j’ai même réussi à prendre quelques photos.
Puis la suite de la descente s’enchaîne, sans souci, tout se passe à merveille.

Nous voilà en bas. Il est l’heure des 10 heures, Flo nous sort son cake banane-chocolat. Il est à tomber comme d’habitude.
On est assis sur un rocher, et autour de nous il n’y a personne. On est seuls au monde au milieu des montagnes. On profite quelques instants du moment présent, et il est déjà l’heure de repartir.
En chemin, on s’arrête au pied de Pollux. Je scrute l’itinéraire, il n’a pas l’air trop compliqué. La tentation est là, le brouillard aussi. Dure décision à prendre, mais avec Flo on est d’accord. La météo se dégrade et la fatigue s’installe, on le garde pour la prochaine fois.
Quelques photos souvenir en passant sous le Bivouac « Rossi e Volante », un dernier regard pour Flo sur Castor. Et c’est parti pour cette longue traversée. On croise les autres cordées du matin, qui eux sont de retour du Breithorn. Et nous voilà enfin arrivés au téléski du Glacier Paradis. Il était temps, plus que quelques mètres et nous sommes de retour à la télécabine.

Il est l’heure pour moi de me mettre à l’aise : short, tongs et casquette, je suis paré pour l’apéro. Une fois arrivés à Zermatt, un spritz s’impose. On trouve une terrasse, et on s’installe au soleil. Il y a un petit air de vacances.
De retour au parking, un petit plaisir venant de Flo. Un Ragusa, que j’apprécie et mange en deux bouchées.
Après tous ces moments magiques, nous rentrons avec des étoiles plein les yeux et des souvenirs plein la tête.

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